Vladimir Maïkoova « Notre gastronomie a sa place à l’international »

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A 36 ans, le chef martiniquais Vladimir François-Maikoova cumule près de 21 ans d’expérience dans la restauration entre Paris et la Martinique.

Une enfance entre banlieue et campagne

Né en Martinique, le chef François-Maïkoova grandit à 7 000 kilomètres de l’île, à Saint-Denis, en banlieue parisienne. C’est là, dans cet environnement multiculturel, populaire, que le jeune garçon s’initie à la cuisine aux côtés de sa mère, celle qu’il appelle affectueusement « la vraie cheffe à la maison ». Très vite, il prend goût aux casseroles et aux fourneaux : « à huit ans, je faisais déjà des gâteaux seul », se remémore-t-il.

Malgré la distance géographique, la Martinique n’est jamais loin de la famille. « Si on avait besoin de légumes locaux, de piments végétariens ou de floups, il suffisait d’aller au marché ou chez les commerçants du coin ». Le jeune Vladimir a un pied dans l’Hexagone, un pied sur son île natale. Il effectue des allers-retours tous les trois ans grâce à ses parents fonctionnaires. « Je passais mes vacances dans le quartier familial, à Beaufond, aux Trois-Ilets. On jouait toute la journée avec mes cousins ». De cette époque, il en garde un souvenir tendre et des valeurs solides. A 16 ans, le passe-temps de Vladimir devient un métier. Il se forme aux côtés des plus grands : Alain Ducasse à l’hôtel Plaza Athénée ou Bernard Leprince au Petit Zinc. « J’ai connu plusieurs cuisines : les brasseries de luxe, les palaces, je suis un caméléon », affirme-t-il.

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Le retour aux racines

En 2016, Vladimir François-Maikoova vient s’installer en Martinique. Un déménagement qu’il n’avait pas anticipé !

C’est en effet lors d’un de ses séjours sur l’île qu’il envoie – par défi – sa candidature pour un poste de sous-chef au Cap Est Lagoon Resort. Bingo, il tape dans l’œil de la direction, déménage et rejoint l’équipe de l’hôtel, d’abord pour 6 mois. Puis, il y gravit les échelons, devient chef et chapeaute à la fois le restaurant de plage et le restaurant gastronomique de l’hôtel. Il est ensuite embauché par l’hôtel French Coco**** à Trinité, puis La Pagerie**** aux Trois-Ilets. Il se fait un nom localement et prend ses marques. Il passe à la télévision, on le sollicite pour représenter la Martinique lors d’évènements. Lui, qui se décrit comme introverti, voire timide, accepte de se montrer progressivement : « Avant, je restais caché en cuisine, mais on m’a poussé à aller au-devant des clients ». Il est ému par les retours de ceux et celles qui goûtent à ses plats. Pour lui, l’important est de susciter des émotions à travers ses recettes.

Son retour sur l’île lui a permis d’affirmer son style, de trouver sa signature. « Je m’inspire de mon environnement, de mes expériences, de mes échanges quotidiens ». Il va à la rencontre des producteurs martiniquais, passe du temps avec sa grand-mère de 94 ans, s’imprègne de ce qui l’entoure. Il navigue entre tradition et modernité.

La restauration, un métier de sacrifices

Les horaires décalés, la charge de travail, le manque de ressources humaines ou financières dans les établissements sont parfois compliqués à gérer pour les professionnels de la restauration. Vladimir François-Maïkoova ne fait pas exception. « On enchaîne les heures, les services pour être à la hauteur des attentes des clients. Il n’y a pas de jours fériés. Il m’est arrivé de devoir faire la plonge pour pallier l’absence d’un collègue. Je milite pour que notre travail soit reconnu ».

Un rythme de vie qui n’est pas sans conséquence sur la vie privée. Dans ses moments de remise en question, le chef savoure le chemin parcouru : « Je ne regrette pas d’être revenu en Martinique, même si j’ai des propositions ailleurs. Je suis en accord avec moi-même ».

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Un engagement pour sa terre natale

Le chef Maïkoova regrette que la Martinique ne soit pas (encore) reconnue en tant que destination culinaire sur la scène mondiale. « Notre gastronomie n’est pas à la place qu’elle mérite aujourd’hui, alors qu’elle n’a rien à envier aux autres », assène le trentenaire. Il veut faire rayonner le territoire qui l’a vu naître. 

Les festivals auxquels il participe sont autant d’occasions de montrer son savoir-faire, de faire découvrir l’étendue de nos saveurs et de nouer des contacts avec des confrères du monde entier. Il prête son talent à des causes comme la production locale. On l’a ainsi vu à « La Villa des chefs » pour soutenir l’agriculture avec Petit Cocotier. 

Enfin, il intervient dans les écoles et lycées pour faire connaître son métier. Une façon pour lui de remercier la vie, car, « plus jeune, je n’avais pas de modèles noirs de réussite. J’aurais pu mal tourner » confie-t-il.

L’ouverture d’un restaurant en ligne de mire

Aujourd’hui, Vladimir François-Maikoova est chef privé, consultant et formateur. Concrètement, les particuliers peuvent faire appel à lui pour des prestations privées lors de dîners par exemple. Il accompagne aussi les gérants de restaurants ou d’hôtels dans la création (élaboration de recettes, de fiches techniques), le développement, l’organisation ou le management de leurs établissements. Il aime transmettre ses connaissances. 

Mais il mûrit un projet depuis plusieurs années : accueillir ses clients dans son propres restaurant, sur ses terres, aux Trois-Ilets. Il y servira sa cuisine qu’il définit comme « caribéenne, métissée, colorée, intuitive ». Vladimir évoque le projet avec passion. Il apprécie l’ambiance de brigade, l’adrénaline du service, le coup de feu au démarrage. « Je me vois comme un chef d’orchestre avec une équipe où chacun a un rôle à jouer », explique-t-il. Pour réaliser son rêve, le chef n’est pas pressé, il veut faire les choses bien.

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